Samedi 2 décembre 2006
- CHASSE A L’ARC -
- BATTUES SILENCIEUSES FORÊT DE COMMERCY -
Aujourd’hui, ce matin plutôt, nous allons attaquer la parcelle 17 en domaniale….
Nous l’avons déjà attaqué il y a 15 jours, et plus d’une vingtaine de sangliers étaient aux rendez-vous…. Malheureusement pour nous, aucun au tableau…. J’ai un souvenir un peu amer de cette traque…. En effet, je suis allé me placer avec Philippe B. sur la ligne qui sépare la parcelle 17 de la 21 et il y a par là, en particulier après une immense flaque d’eau qui barre le chemin, des coulées très fréquentées…. Au rond du matin : « OK, je me place là, disais-je au Président », « attention, me rétorquait-il, il y a une nouvelle coulée que j’ai marquée en rouge, il faut la garder »….
Nous arrivons sur place et je me mets à ma coulée habituelle…. Philippe qui continue à monter m’appelle alors et me dit « viens là, c’est la coulée à garder marquée par le Président »…. Je vais voir, pas le poste terrible, et assez difficile pour se trouver une bonne fenêtre de tir tout en restant caché, obligé de rester presque à découvert sur la ligne…. Je reste malgré tout à ce poste, un peu de mauvaise grâce, je l’avoue….
Au beau milieu de la traque retentissent les cris tant attendus : « Attention à la Houe à l’avant, attention à la Houe à l’arrière » enfin, à la Houe de tous les côtés…. Nerveux à mon poste, l’arc prêt à être armé, j’écoute…. J’entends du bruit dans l’enceinte, je n’arrive pas vraiment à localiser la provenance, je tourne la tête vers la droite et là, au poste où je m’étais mis de prime abord, 1 cochon, 2 cochons, 3 cochons…. 13 cochons passent la ligne !…. à 50 mètres de moi…. Quelle rage !…. Que ne suis-je resté là-bas, on se laisse toujours influencer….
Aujourd’hui, envers et contre tout, je me mettrai à cette coulée, je suis presque sûr que c’est là que ça va passer, le vent est plein sud, la 17 est au nord de la ligne, s’il y a fuite, certains vont remonter au vent, il y a de fortes chances que cela passe là, j’y crois….
Un peu plus bas dans la 21, parcelle voisine, à 30 mètres il y a une fausse ligne parallèle avec devant un petit fossé rempli de flotte et de boue… La vraie ligne est au dessus de moi, je devrais voir arriver le gibier…. C’est là que je vais me poster…. Je me place à bon vent par rapport à la coulée afin de ne pas être reniflé au dernier moment, je sors mon petit sécateur que j’emporte toujours dans ma poche gauche, je coupe quelques d’arbrisseaux pour me faire une belle fenêtre de tir, j’encoche une flèche, je m’assois sur ma canne-siège, et l’attente commence….
« Attention à la Houe !…. » C’est parti !….
Une certaine fébrilité me gagne, vont-ils passer là où je le suppose ?…. Je suis à 5 mètres à l’ouest de la coulée…. Du bruit…. Ca vient d’en haut…. Ca arrive vers moi…. Je les vois…. 4 cochons…. Un moyen devant, deux petites bêtes rousses à la suite et un gros noir qui ferme la marche…. Ils me passent comme des fusées là où j’avais prévu…. Je tente de flécher le second, ma flèche passe presque un mètre derrière, ils vont trop vite !…. Je suis dépité !…. j’ai raté l’occasion de la journée…. Contrarié, je vais ramasser ma flèche fichée horizontalement dans la terre…. J’ai un mal de chien pour l’arracher…. Je retourne à mon poste et prend une nouvelle flèche, la lame de l’autre ne devant plus bien couper…. Je suis sombre….
Un quart d’heure plus tard, j’entends de nouveau la traque : « A la Houe à l’arrière !…. » C’est encore pour moi, je lève la tête vers la ligne en haut et je vois deux petits cochons qui viennent à grande vitesse vers moi, toujours dans la même coulée…. Je suis prêt à armer…. Soudain, tout s’arrête…. Plus de bruit…. Silence total…. Je ne les vois plus…. Ils se sont arrêtés et comme la végétation est hyper dense, je ne vois plus rien du tout…. J’ai le palpitant à 200 à l’heure…. Je dois avoir les oreilles dressées comme un animal aux aguets…. Les secondes passent, aussi longues que des minutes….
Ca y est !….Je les entends à nouveau…. Ils viennent de redémarrer…. Ils sortent du petit fossé devant moi…. Je vois le premier…. Je vois le second…. Ils sont à environ 7 ou 8 mètres devant…. Cette fois je n’attends pas qu’ils sautent la ligne…. j’arme et je tire le second…. Je tire en 3/4 avant, tant pis…. Le cochon prend la flèche et pousse un couinement …. Il saute la ligne…. Il a ma flèche plantée de la moitié, en début du tiers arrière de l’animal…. Il tape la flèche à chaque fois dans les arbrisseaux…. il couine à plusieurs reprises….
« A la Houe blessé !….» je crie…. Quelle émotion !….
Quand sonnent les 3 coups de trompe de fin de traque, je vais vérifier mon tir…. Olivier B, archer et conducteur UNUCR me rejoint…. Pas de sang au lieu de l’impact…. Nous balisons la coulée…. 15 mètres plus loin de belles taches de sang bien rouge…. « A mon avis, il ne devrait pas être loin » me dit Olivier…. Je reste septique et ne vendrais la peau de l’ours avant etc……..
Après le repas nous allons vérifier le tir plus sérieusement…. Olivier ayant quelques déboires avec « Moustache » son teckel, Christian B., alias Bubu, prend son chien de sang, un bon vieux labrador et Régis M., demeurant non loin, va chercher chez lui son fusil, au cas ou l’animal se relèverait….
Et la recherche commence…. La végétation est vraiment très épaisse…. Le cochon suit la coulée…. Il y a de plus en plus de sang…. Plus nous avançons, plus il y a de sang…. Les baliveaux sont maintenant comme repeint en rouge sur 50 centimètres de haut, c’est spectaculaire…. En moi-même, je pense, il est en train de se vider complètement…. je suis quasiment certain maintenant que nous allons le retrouver, mais je n’ose pas encore vraiment y croire…. Au bout de cent mètres Bubu retrouve la flèche…. Recouverte de sang, elle est à peine un peu voilée vers la lame…. Nous avons parcouru maintenant un peu plus de 150 mètres….
Soudain Bubu crie « Hallali !…. »….
C’est le soulagement…. Il est là couché…. Une bête rousse de 35 à 40 kilos…. Il s’est écarté de la coulée à l’ultime instant pour rendre son dernier souffle…. Ma flèche a coupé l’artère iliaque, hémorragie immédiate, il s’est vidé de son sang…. Mes compagnons sont presque plus heureux que moi…. Ce sont deux vieux copains…. Je les ai connu tous deux il y a plus de 20 ans, au début de la chasse pilote de la zone rouge de Verdun, à l’aube des années 1980…. ils me tapent sur l’épaule et m’embrassent tous les deux….
Bubu déclare, non sans une légère fierté dans la voix : « c’est le 129ème sanglier retrouvé par mon chien…. »
Un pur moment de bonheur….
Le Coyote Solitaire
Claudio Dante Enzo Boaretto